Les origines du papier
Les Livres Anciens
Le papier, on le sait, est chinois. Et jusqu’au milieu du XXe siècle, les sinologues ont
donné un visage à cette invention : Cai Lun, chef des Ateliers impériaux, mort en 121 de notre
ère et vénéré en Chine comme patron des papetiers.
C’est au début du XXe siècle en particulier que les savants commencent à se pencher
sur l’origine du papier, invention tout aussi décisive que l’imprimerie, quoique moins
spectaculaire. Elle s’inscrit alors dans une longue histoire chinoise de l’écriture et de ses
ancêtres : nœuds de corde, craquelures d’os brûlés, carapaces de tortue sur lesquelles on lit
l’avenir, lamelles de bambou, tablettes de jade des empereurs… Mais le bambou est trop
lourd, et la soie, trop chère. Rentré au service de l’empereur Ho en 75, Cai Lun se met au
travail. Il a l’idée de recycler des matériaux d’origine végétale moins nobles et plus légers –
écorces, chanvre, mûrier, chiffons, filets de pêche – et présente son invention en 105.
L’empereur est conquis. Le vénérable Cai est anobli quelques années plus tard et devient
marquis, avant de connaître une fin tragique. Mais le mythe de l’origine du papier est né,
consigné dans l’Histoire des Han postérieurs, document du Ve siècle qui fera dès lors
autorité.
C’est en 1957 que des fouilles archéologiques menées dans la province du Shaanxi
révèlent que du papier de chanvre était en réalité déjà utilisé sous le règne de l’empereur Wu,
deux siècles avant Cai Lun. D’autres découvertes s’en suivent. Elles confirment toutes qu’il
existait un papier, vraisemblablement destiné à l’emballage des objets. Cai Lun y a perdu ses
lauriers d’inventeur, mais on lui doit sans doute une technique de fabrication décisive : la pâte
n’est plus étalée sur un support fixe mais sur un treillis mobile de tiges de bambous ou
d’hémérocalles. Désormais, pendant que la feuille sèche au soleil, on peut en préparer une
autre. Et le papier peut envahir le monde.